Alphabet Graphique

« Cré bon dieu » aurait juré sans fin, à la fin de sa vie un Charles Baudelaire muré dans son aphasie. D 'ailleurs la référence exacte étant introuvable si vous l'avez quelque-part, faites le moi connaître. La toute première description d'un Accident Vasculaire Cérébral est récente, ce fut Alexandre Dumas qui la fit dans « Le Comte de Monte-Cristo ». Monsieur Noirtier de Villefort, est en fait plus un Locked In Syndrom c'est à dire la forme la plus sévère d'accident vasculaire cérébral, qu'une aphasie. Le syndrome d'enfermement, ou locked-in syndrom, désigne une paralysie quasi complète de l'organisme, malgré une conscience et des facultés cognitives intactes. L'individu est comme enfermé dans son corps. Il ne peut pas manifester ses émotions, ni parler, ni bouger. Seuls les paupières et les yeux restent partiellement mobiles. Les sens sont intacts, et notamment le toucher et la sensation de douleur persistent. Mais il peut bouger les paupières et il connaît ses lettres, d'ailleurs Noirtier se sert de cette capacité pour faire capoter le mariage de sa petite fille, alors qu'il est enfermé dans son corps. Il est fermé-dedans. L'aphasie c'est au fond du fond pareil, sauf que la clé a été jetée et qu'on ne sait même pas ou elle se trouve alors autant chercher la clef là ou c'est éclairé.
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J'ai acquis une aphasie.
Tu as acquis une aphasie.
Il a acquis une aphasie.
Nous avons acquis une aphasie.
Vous avez acquis une aphasie.
Ils ont acquis une aphasie.
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J'ai acquis une aphasie ce qui fait que de bavard impénitent que j'étais je suis devenu très sensible aux mots. J'ai un goût immodéré pour l'expression la plus exacte possible. J'ai acquis une aphasie, et j'ai acquis depuis cette époque une incapacité, toute relative d'ailleurs, à mettre les noms à la bonne place. Toute relative d'ailleurs car si je le voulais, je pourrais très bien dire « anticonstitutionnellement » sans me tromper, et même l'écrire mais lentement et sans me tromper. Et si je suis devenu aussi sensible aux mots, je suis même sensible à leur sens et à la façon dont on les fait glisser d'un sens à l'autre. Il est même des sens interdits et des mots qui les prennent dès que le pandore regarde ailleurs. Vraie ou pas vrai ? Si tellement vraie qu'on s'en voudrait presqu'un peu, juste un tout petit peu, de pas se mettre en rang dans la cour alors que dans le fond je n'avais pas grand chose à voir avec tout ça. Je n'ai même pas un tablier ou un uniforme d'écolier pour me distinguer du pékin. De celui qui voudrait t'aider, mais qui n'est pas à sa place. Pas à sa place de mère. Pas à sa place de père. Pas à sa place de conjoint. Pas à sa place d'enfant.
Pas à sa place d'enfant !
Tu n'es pas à ta place, mon enfant.
Et pourtant ce sera tellement émouvant de voir en ouvrant l'armoire de toilette un rasoir électrique, et que de savoir qu'il est pour toi mon fils je retiens parfois mes larmes. Car non seulement j'ai acquis une aphasie tout-ce-qu'elle est gentille et mignonne mais j'ai acquis aussi un syndrome frontal.
Frontal je suis et frontal je m'assume.
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« Je suis frontal
Voilà ma gloire
Mon espérance et mon soutien. »
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Synonymes. Mais l'alphabet est une structure de trait et de points codifiés. Retournes cet écran si ton ordinateur est portable. Qu'y vois tu ? Tu n'y vois que des lignes de symboles mis bout à bout. Et ces lignes de symboles ne te disent trop rien. Prends cet écran et retournes le à nouveau. Les signes redeviennent des symboles. Les symboles redeviennent des signes.
Alors analyses un peu les signes comme des signes et non comme des graphèmes, prends une feuille et dessine.
Prends par exemple le signe « égale », soit « = ». Fais tourner la feuille sur laquelle tu as tracé tes deux traits, il perd tout son sens. Tu avais un sens donné par l'horizontalité et l'égalité des branches, « égale ». Et tu as maintenant un ensemble de deux traits parallèles qui vont en s'inclinant, passant d'un « // » ascendant à un « || » un pilier, pour ensuite passer à un « \\ » en descendant et redevient « = » pour recommencer un nouveau cycle. L'occident est apparu semble-t-il par l'alphabétisation. Au début, chez les phéniciens, il n'y avait que des consonnes, et c'est en se faisant grecs que ces symboles virent des voyelles. Alphabet. Le A juif, « א » , aleph, est symétrique par rapport à un point central alors que le B, « ב  » , beth, est comme gravide en attente d'accoucher sur une table ou dans un lit. En arabe A, « ا  », se dessine comme un homme regardant dans le sens de la lecture vers la gauche et B « ب  » comme une vache. Imagines un petit peu qu'on leur fasse subir la même opération qu'avec le signe « = ».
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A
Il y a longtemps bien longtemps, quelqu'une ou quelqu'un, peut-être s'agissait il d'un enfant, peut être d'un vieillard, et bien cette femme, à moins que ce ne fut un homme, a tracé :
Un trait incliné.
Puis un autre venant le croiser en haut.
Puis un troisième trait.
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« A »
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Tout simplement A.
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Un A tout simple, en apparence qu'est-ce que A peut-il bien vouloir dire ? Des traces d'une humanité tous les continents en sont les témoins. A ne se veut-il que symbole décoratif ?
Ou bien ?
B est plus évolué, deux courbes fermées par une barre.
Mais chez l'ensemble des alphabets issus du grec tu as une correspondance des graphèmes A et B, graphèmes qui font « al » « pha » et « bè » « ta », qui, réunis, font « al-pha-béta » : Al-pha-bet. L'alphabet. A, ce symbole mâle avec le gland symbolisé d'un trait à moins que ce ne soit une femelle avec son entrejambes très riche et très sexué, se trouve au devant de tout une suite de signes cabalistiques et incompréhensibles pour un Japonais, un Amérindien ou un Chinois. Et si l'on retourne A ça fait « Ɐ » en plus. D'ailleurs qu'est-ce-que signifie « Ɐ ». Ça signifie « quel-que-soit » en mathématiques. Il existe « il-existe », et « quel-que-soit ». En fait « Ɐ » et « Ǝ » symboles mathématiques par excellence, mais qu'est-ce-que « Ɐ » sinon un triangle pubien dont le poil est manifestement symbolisé, et pas rasé du tout. Et encore, les positions « A » couchée vers la gauche ou la droite, entre autres postures, ne font que donner une situation allongée des plus évocatrice, et même offerte. « A », barrez d'un trait unique deux traits et vous avez une vulve, avec le clitoris en haut.
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Passes un peu à la minuscule. Le graphème « α » est un poisson et ce, malgré toutes les rotations qu'on peut vouloir y faire. Alpha minuscule n'est qu'un symbole de poisson. Note un peu que la représentation du Christ du tout début de la chrétienté n'est en fait qu'une image de poisson. Après vient le crucifix mais crucifix fait double potence.
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Quand au B, il procrée.
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Procréation, il est enceinte.
Il est enceinte et, dans l'alphabet grec comme en majuscules pour les alphabets latins et cyrilliques, la tête est fière et dressée, et le ventre rebondi. D'ailleurs la lettre « b » est gravide, même tapée sur un clavier d'ordinateur ou de machine à écrire.
Mais quand j'écris à la main, « b » est femme, belle est femme, et belle est femme avec bébé dans le creux d'un bras. Mais quand je l'écris à la main comme le « f », d'ailleurs le « f » est l'initiale de féminin dans les langues latines, il commence en bas, il monte et s'arrondit doucement pour redescendre tout droit. Il dit « coucou » au point de départ pour remonter, et pour remonter il dit « coucou » de nouveau. Et puis il fait une boucle comme une tête de bébé avant d'envoler le trait vers la droite. La boucle du haut fait une femme, penchée vers la droite et la tête de l'enfant qui joue avec sa main. En fait il tête son pouce, comme Horus Harpocrate sur les genoux d'Isis.
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Mer, mater, mère. La langue française semblable à d'autres langues latines fait le rapprochement. Mère mare. La langue italienne, la plus proche du latin, aussi. Seule la langue française saute le pas.
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Mutter see.
Matre mar.
Mater mar.
Mother sea.
Mère mer.
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La mère voit le doigt de son enfant se téter, mais dans aucune autre langue, que je sache, la mère est la mer et la mer est la mère.
Mère, mer.
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La lettre « f » est une femme joliment drapée dans sa robe, avec la boucle de sa ceinture.
Quand à associer deux lettres prends par exemple « l » et « m » et en plus elles se suivent dans l'alphabet, prononces les : « L, M ». « Elle Aime ».
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Il faut arriver, pour avoir le pouvoir d'analyser correctement quelque-chose, à cerner cette chose. Je la prends dans ma main pour la pétrir comme une question, mais surtout je prends un linge suffisamment mouillé pour cerner la totalité du problème tout en ne faisant pas disparaître cette interrogation. Car il existe toujours un sentiment de religiosité dans le cœur de tout homme, remémore toi l’excommunication pas si lointaine que ça des comédiens, et le plaisir que tu prends devant un prestidigitateur d'aussi longtemps que tu puisse te souvenir.
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Rêve, je rêve en voyant Ulysse attaché au mât de son navire dans le XIIème chant de l'Odyssée. Analyse Analusan ana-lyse ana-lyser, dé-lier délier, lier relier re-lier, mais relier la religion ou suivre la beauté du chant des sirènes dont seul lui, Ulysse, a été le contemplateur d'une beauté sonore et musicale ? Mahomet, Bouddha, Amaterasu, Zeus, Jésus, Popocapetl et d'autres et d'autres, il faut analyser tout ça comme autant de structures mythiques. Il faut considérer Moïse, Abraham et Noé comme des structures mythologiques. On sait depuis Freud qu'il existe deux Moïse, et Gérald Messadié, entre autres, en rajoute une couche. Je ne suis pas suffisamment calé en Coran pour extraire de la figure de Mahomet ce qui relève du mythe, je laisse cela aux chercheurs voire aux athées d'origine musulmane, d'aller explorer au plus près des textes. Mais je revendique d'autant plus d'avoir le droit d'analyser le versant chrétien du mythe.
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Moïse.
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Aaron et Moïse. Aaron et Moïse, Aaron et Moshe plutôt, ou si on veut être correct Moshe et Aaron étaient les sages que l'on sait. Moshe avait ramené parmi les hommes des tables gravées, les tables de la loi : « Je suis Yahvé ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. […] Tu ne tueras pas. [...] Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. [...] rien de ce qui est à ton prochain », le Décalogue. Mais Moshe avait l'élocution difficile. Aaron, après le passage assez intéressant du veau d'or, servit d'interprète à la Loi ... de Moshe. Moshe était-il bègue ? Non, Moshe était aphasique ! À Moshe il est dit, et Il est Dieu car Yahvé : « N'y a-t-il pas Aaron ton frère, le lévite ? Je sais qu'il parle bien, lui ; le voici qui vient à ta rencontre et à ta vue il se réjouira en son cœur. Tu lui parleras et tu mettras les paroles dans sa bouche. Moi, je serais avec ta bouche et avec sa bouche, et je vous indiquerai ce que vous devrez faire. » et plus loin dans le texte « Moïse dit en présence de Yahvé : « Je n'ai pas la parole facile, comment Pharaon m'écouterait-il? » Yahvé dit à Moïse : « Vois, j'ai fait de toi un dieu pour Pharaon, et Aaron, ton frère, sera ton prophète. » Moshe était le premier aphasique, en fait, d'une mémoire d'une humanité mythique, et Aaron peut être considéré comme saint protecteur des Orthophonistes.